Festival de Cannes, épisode trois

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Previously in Cannes…

My kingdom for an invitation!

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La foule se presse devant les marches de la salle Debussy. En toile de fond le Suquet, imperturbable. @see-by-c

Vous avez saisi l’importance du badge et de l’invitation. Aussi chaque jour,  ça devient un rituel : partir en quête de pass. Plutôt que de faire le pied de grue devant la sortie du palais comme certains, j’ai fait confiance à mon badge et aux invits qui allaient avec, distribuées à l’espace Cannes Cinéphiles. Du coup, je me suis souvent retrouvée au 5e et dernier étage du palais, dans la superbe salle Buñuel pour voir des documentaires récents ou des films anciens en version restaurée. Personne ne se jette sur ces invitations et pourtant grâce à elles j’ai eu un tête à tête magique avec Orson Welles. Quel homme et quel humour dans ses commentaires sur les difficultés rencontrées (que j’ignorais) tout le long de sa carrière ! Du coup la projection de « Citizen Kane » a pris une nouvelle ampleur et tous ceux qui connaissaient le film enviaient les regards « vierges » de ceux qui ont levé le doigt à la demande de Thierry Frémaux pour découvrir pour la première fois, certainement, « le meilleur film du Festival !! »
affiche haroldUn documentaire bien fait peut vous procurer les mêmes sensations qu’une bonne fiction. J’ai été extrêmement touchée par l’histoire racontée dans « Harold et Lilian », une love story de 60 ans entre un story-boarder de génie et une documentaliste avant-gardiste d’Hollywood. Leur rencontre, leur vie sont tout simplement incroyables. Leurs témoignages (des archives pour lui et actuels pour elle) intenses, drôles, touchants, ponctués des interventions de témoins de leur talent : Dany de vito, Martin Scorcese, Mel Brooks, Francis Ford Coppola… haretlilianHarold (oui je l’appelle par son prénom !) a dessiné, découpé de grands films. Il est resté dans l’ombre de réalisateurs alors qu’il est « responsable » d’un grand nombre de plans devenus cultes comme celui du « Lauréat » où le visage de Dustin Hoffman dans la profondeur de champ apparaît sur la jambe d’Anne Bancroft. Lilian, orpheline, femme amoureuse, savoureuse, s’épanouie dans son travail de recherches dans les centres de documentation des grands studios de cinéma. Déterminée et drôle, cette vieille dame raconte avec beaucoup de sensibilité et d’humour les différentes étapes de leur vie. Elle est fantastique et serait un modèle d’engagement aujourd’hui encore pour tout ce qu’elle a accompli à une époque où les femmes étaient surtout reléguées aux rôles d’épouse et de mère.

    Les studios Dreamswork leur ont rendu hommage dans Shrek dans les rôles de Queen Lilian et King Harold.
Les studios Dreamswork leur ont rendu hommage dans Shrek dans les rôles de Queen Lilian et King Harold.

L’entendre raconter comment elle s’est retrouvée dans un jet privé avec un baron de la drogue pour aller au Mexique chercher des informations pour les besoins d’un film est un régal. J’ai adoré leur histoire, leur rencontre, leur passion, leur soutien respectif (avec 3 garçons dont un autiste), leur créativité et leur sens de l’humour qui les a aidés à franchir tous les obstacles. Le documentaire est formidable et je guetterai sa sortie pour que vous ne le ratiez pas. Si j’étais producteur, je plongerais dans une adaptation à l’écran et j’en confierais la réalisation à Wes Anderson qui trouverait des idées géniales pour rendre hommage à au talent créatif du couple Michelson. Quelqu’un doit forcément être déjà sur le coup ! Bon j’arrête là, vous avez compris que j’ai eu un gros gros coup de cœur.

Parmi les réjouissances cannoises,  je me souviens du jour où j’étais au studio 13 dans la file pour aller voir un film américain sur un couple qui a perdu son enfant… (youpi !) A part les films de la Sélection officielle qui bénéficient d’une couverture médiatique importante, ouvrir le programme c’est s’aventurer à l’aveugle dans une salle. Certains n’aimeraient pas, j’avoue que ça me plait bien. J’arrive sans apriori, prête à être embarquée dans n’importe quelle histoire. Un coup de fil me sort de ma rêverie. J’ai la possibilité de déjeuner à la Cucina San Pellegrino avec l’équipe dUnifrance. L’organisme, dirigé par Isabelle Giordano et présidé par Jean Paul Salomé fait la promotion du cinéma français à travers le monde. Les veinards !

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Attention je me suis cachée dans ces photos et je souris béatement… comme les autres ! @see-by-c et @La Cucina

Ils sont là tous les deux avec leur équipe et Elsa Zylberstein. Imaginez une grande tablée dressée sur un toit terrasse du côté de la rue d’Antibes où nous avons dégusté les mets délicats préparés par le Chef Jacques Chibois, un local puisqu’il officie à l’Auberge Saint-Antoine à Grasse. Un joli moment suspendu, entre délices et conversations cinéphiles, à l’abri de la cohue de la Croisette. Bon, par contre avec cette délicieuse pause, longue comme un repas de mariage (dixit un de mes voisins), je ne suis pas au top pour tenir mes objectifs. Je file donc vers une nouvelle séance.

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Cette fois en haut des marches je me suis retournée et j’ai vu… Big Depardieu , Miss Huppert et Guillaume Nicloux le réalisateur de « Valley of love »  sur le tapis avant l’ovation dans le GTL. @see-by-c
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Astuce adoptée par beaucoup : avoir dans son sac une paire de talons à chausser juste le temps nécessaire ! @see-by-c

C’est amusant cette fascination pour le tapis rouge. Je patientais tranquillement dans MA file dernière minute, en pleine après-midi, pour voir « Valley of love ». J’ai tout le loisir de regarder ces pauvres invités qui iront au balcon ! Contrairement aux séances du soir, on peut monter les marches en short, en jean, en espadrilles… peu importe. Mais pour certains on sent bien que le plaisir de voir le film monter les marches serait gâché. J’ai suivi pendant de longues minutes le stress d’une dame en robe longue qui voulait changer de chaussures. Elle portait de jolies ballerines qui auraient largement fait l‘affaire mais elle a tenu, devant les messieurs de la sécurité, à mettre ses escarpins argentés et enfiler une veste à sequins brillants. Je la regardais faire, elle tremblait. C’était à la fois ridicule et touchant. Le monsieur qui l’accompagnait a foulé le red carpet en tenant un sac plastique avec les ballerines à l’intérieur. So glam’ !

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Statue à la palme brillant au soleil devant le Carlton. Peut mieux faire !! @see-by-c

J’ai fait toute ma semaine en ballerines et j’ai juste enfilé une jupe longue pour la cérémonie de clôture. (t’es une fille t’as pas de talons ? Allo !) Si, j’ai des talons mais cette semaine j’ai largement explosé le nombre de pas journalier recommandé… alors je reste à plat ! J’étais quand même rassurée qu’on ne refoule pas les femmes sans talons (cf. polémique), par contre j’ai vu un homme se faire refuser l’entrée sans nœud pap’.

Pendant que les marches sont télévisées pour cette dernière soirée de gala, d’autres personnes font la queue devant la salle Debussy d’à côté, plus petite. L’invitation précise qu’on assistera à la cérémonie dans cette salle et qu’on bifurquera dans le grand auditorium pour voir le film de clôture. Voir la cérémonie projetée sur l’écran était finalement assez plaisant. C’était comme si je la regardais à la télé, sauf que l’écran ici est immense et que mon salon peut contenir plusieurs centaines de personnes ! On n’a peut-être pas ressenti l’émotion de la salle avant l’annonce du palmarès mais on a vibré. On a aussi pu s’exprimer, rire, siffler selon l’envie.

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Festival d’émotions pour clôturer ces douze jours intenses.

J’ai beaucoup apprécié cette soirée, j’ai trouvé les discours émouvants (Lindon et le jeune réalisateur du « Fils de Saul »). J’étais ravie qu’on mette Agnès Varda à l’honneur (même si j’aurai préféré un film sélectionné). L’image de ce petit bout de femme à la coiffure improbable qui attaque son speech telle une conférencière, sans prompteur (à la différence des comédiens remettant un prix !!) m’a touchée. Elle a rappelé que ses films n’ont ni gagné ni fait gagner d’argent et a dédié sa palme « aux cinéastes inventifs, courageux qui continuent à faire des films dans l’ombre ». Elle sera gagnée par l’émotion en évoquant l’éternel Jacquot-Demy-de-Nantes. Chapeau !

IMG_6802Voir Lindon remporter un prix alors qu’il en rêvait était aussi un beau moment. Il s’est beaucoup investi pour ce film et son émotion est contagieuse. Catherine Deneuve a dit dans une interview que les prix ne changent rien pour la suite. Elle dit juste (comme d’hab’ mais je manque d’objectivité je kiffe Catherine !). Après tout qui se souvient que Depardieu a reçu ce prix pour « Cyrano » en 1990, que Michel Blanc l’a eu en 86 pour « Tenue de soirée », ou qu’Huppert l’a eu deux fois ? Et je ne cite que nos acteurs français ! Les prix passent les émotions demeurent. « Mommy » l’an dernier a laissé un souvenir plus fort que la Palme ; et cette année « le fils de Saul » restera gravé, ce qui n’est pas certain pour « Dheepan ».

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Une seule file d’attente pour les cannois, du coup elle est très très longue ! @see-by-c

Le film palmé est projeté 3 fois le lendemain de la clôture pour les cannois qui ont retiré une invitation. Dans la file d’attente le public a changé. Plus de badge apparent, plus de discussions enflammées sur les films vus. Tout le monde a mis une jolie tenue. Quelques-unes se sont déguisées en tenue de soirée pour la séance de l’après-midi (!) et prendront le temps de se shooter sur le tapis rouge. Elles posteront vite sur les réseaux sociaux les clichés comme preuves de leur montée des marches. Certains ne rentrent même pas dans la salle pour voir le film et s’échappent à l’issue des marches ! Nan ? Si si ! Cette fois nous sommes assis au vertigineux balcon. Ma voisine (et son vertigineux balconnet !!) allumera plusieurs fois son portable pour voir les réactions à sa photo… grr !
Le générique de fin est pour moi un sas de retour à la réalité… selon les films, comme « Dheepan », ce moment est nécessaire pour reprendre ses esprits. Beaucoup le zappent durant le festival pour vite courir vers une nouvelle séance et il a carrément été coupé à la projection de la Palme. Lumières dans les yeux. Clap de fin !

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Le cinéma sous la lune : une sorte de rêve ! @see-by-c

Bilan : 16 films vus sur la semaine, objectif atteint et les 4 films de la sélection officielle vus sont au palmarès. Pas mal pour une première !
Je m’octroie mon générique perso car si ma semaine fut si effervescente, je le dois aussi beaucoup à Naiko & Lou, Béa, Seb & Alex, Elvis Pellegrino, Valérie Schweppes, Sophie, Jako, Kreen et toute l’équipe de Cannes Cinéphiles. Merci.

Merci aussi à tous ceux que j’ai suivis avec intérêt pour toujours en savoir plus : le site officiel du Festival qui est une mine d’infos et où tout est accessible à tous, y compris les conf de presse, TV Festival, et les  passionnés de Inthemoodforcannes et Cannenlive.

A l’année prochaine !

2016

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9 réflexions sur « Festival de Cannes, épisode trois »

  1. J’ai lu, avec un peu de retard mais avec énormément de plaisir, ces chroniques cannoises !

  2. Très sympa !
    Au sujet du protocole vestimentaire, je me suis fait refuser la montée des marches en 2012 car j’avais le poignet (cassé) dans un plâtre et qu’il n’était pas question pour moi de faire retoucher ma veste de smoking pour l’occasion… ça ne rigole pas ! En même temps, c’est aussi ça qui fait le charme du Festival…

    1. ah quand même tu avais une excuse béton !! J’imagine que tu n’as pas tenté le selfie sur les marches pour aggraver ton cas !

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