Le « boy next door » de l’humour
« Il faut donner des claques préventives aux enfants dès le réveil pour anticiper leurs bêtises de la journée ». Ce n’est pas moi qui le dit mais Chris Esquerre dans son spectacle. Des comme ça, il en balance un bon paquet entre deux revues de presse, celles qui ont fait son succès sur le petit écran. Dans la peau d’un conférencier atypique, avec sa dégaine fluette, il parcourt la scène entre son paper-board et son bureau. Il explique le sommaire du spectacle, fait «dégorger» les rires du public, se lance dans de grandes théories absurdes sur les enfants, les personnes âgées et bien d’autres. Ses commentaires sur la presse spécialisée viennent fractionner le déroulement de la conférence.
Son spectacle est inclassable. Ce n’est pas un enchaînement de sketches, il n’y a pas d’histoires, pas de vannes, même pas de chutes et la plupart de ses phrases se finissent souvent par un désinvolte « et voilà ! » Pas très vendeur dit comme ça et pourtant, en écrivant ces lignes me reviennent en mémoire les rires qui ont résonné dans la grande salle du Théâtre Croisette, en mars dernier. Avec lui, rien n’est fixé, anticipé. C’est décalé, parfois grotesque mais jamais méchant. L’humoriste aime les bons mots, les jolies tournures, les silences désopilants. De la salle, on ne peut résister à ses mimiques, son ton précieux, sa diction d’une autre époque, sa façon de secouer la tête en s’adressant au public comme un professeur à des petits enfants stupides ! S’il fallait absolument lui trouver un air de famille ce serait avec les Deschiens pour le second degré décalé ou les « messages à caractère informatif » de Canal + pour l’esprit de détournement sur un ton rétro. Mais est-ce vraiment nécessaire de trouver des références. On a devant nous un véritable créateur de rires et quand il aura pris conscience de son talent d’auteur, il pourra laisser enfin de côté les magazines de presse spécialisée et donner à son futur spectacle le petit quelque chose qui manque à celui-ci. Sa sensibilité toute entière.
Bio express (à l’attention de ceux qui par le plus grand
des hasards n’en n’aurait jamais entendu parler) :
Avec ses diplômes de commerce en poche, Chris Esquerre entame une carrière toute tracée de consultant. Pourtant, en occupant ses premiers postes, il constate que ce après quoi il courrait ne le rend pas heureux. Beaucoup se reconnaîtront, pourtant peu d’entre eux abandonneront, comme lui, le monde de l’entreprise pour celui de l’humour.
Son créneau ? Pas les chroniques assassines, c’est un gentil. Pas la politique, il a arrêté très tôt (« J’ai eu une jeunesse giscardienne de 3 à 7 ans mais Giscard m’a déçu à l’âge de 6 ans, quand le Carambar est passé subitement de 20 à 30 centimes. Ça a été un coup dur pour mes finances. » cf. Les Inrocks 2014) ; Pas le stand up, il n’est pas son sujet favori, contrairement à la plupart des humoristes actuels. C’est un ovni, une sorte de « boy next door » de l’humour, le gars qui ne paye pas de mine mais qui crée son propre genre humoristique. Respect ! A la télé et en radio, il a fait de son ton sa marque de fabrique à coups de chroniques, de micros-trottoirs décalés, de zappings d’actualités bidons, de séquences de courrier des lecteurs ou encore les revues de presse de journaux que personne ne lit sur Canal +.
Aujourd’hui, il prend le relai de Nagui dans son émission du matin sur France Inter (« La bande originale » dès 11h) et interroge les invités avec sa manière de « journaliste incompétent » (mais du coup follement intéressante) qui oblige les invités à bifurquer de leurs phrases toutes prêtes dans leur marathon de promotion-SAV. Selon les invités, les joutes verbales sont des moments suspendus entre gène et jubilation. Entre deux émissions, il poursuit sa tournée un peu partout et présente son personnage de conférencier sincère et faux-cul à la fois, auquel vous ne devriez pas résister.
Pour connaître les étapes de sa tournée, rendez-vous sur son site volontairement laid (http://chris.esquerre.free.fr/).
Si vous ne trouvez pas de dates près de chez vous, vous pouvez toujours vous rattraper avec le DVD.
“Je rêve d’un spectacle comique où il serait possible de ne jamais faire rire” Chris Esquerre
Quelques liens juste pour rire :
– Une carte blanche sur CanalPlus.
– Une chronique matinale sur France Inter.
– Une interview pour CadreEmploi face à David Abiker : attention c’est une vraie interview… même si le jingle et la musique de début pourraient être pris pour une parodie ! C’est par ici !
Super post sur cet humoriste encore sous-exploité. L’humour ne plaira pas à tout le monde. Moi ça me plait. Et pis c’est tout !
Merci Gilbert. En humour il en faut pour tous les gouts,je crois qu’on a les même !!