Faites tourner via...

Si l’idée principale est de fabriquer un film, c’est l’expérience collective qui reste la plus intéressante à vivre. Dès le 1^er atelier, chacun soumet ses envies de genre et de titre et les décisions finales se font par vote. Déjà les personnalités se dessinent peu à peu : ceux qui fourmillent d’idées, ceux qui renchérissent, ceux qui suivent, ceux qui écoutent en silence… Tous ces tempéraments qui se découvrent vont devoir s’impliquer, ensemble, pour le film. Durant la fabrication, ce ne sera qu’une succession de propositions et de décisions à prendre dans le temps imparti. Un maître du temps est désigné pour rappeler régulièrement l’état du sablier !
Pour le choix du caméraman, plusieurs sont volontaires. Finalement, tout le monde sera d’accord pour désigner celle « qui ne veut pas apparaître à l’image » comme cadreuse.
L’atelier est fini, nous avons notre cadreur, notre titre et notre genre. Ce sera un drame psychologique intitulé « La balade des indécis heureux ».

Direction l’atelier 2 pour l’écriture et le découpage des scènes. On commence à se lâcher. On sent que tout va aller très vite alors on prend des raccourcis. Tout le monde se tutoie et on échange facilement même si certains se tiennent encore en retrait… un peu comme à une rentrée des classes ! Les 45 minutes passent à toute allure et notre guide canalise nos envolées créatrices avec beaucoup de diplomatie. Sur un des panneaux explicatifs, cette phrase résume bien l’idée du moment présent : « la perfection est votre ennemie, elle vous mènera au découragement… » !
Il y a beaucoup de choses à penser, aussi il faut aller à l’essentiel. Le concept commence à rentrer dans toutes les têtes. Une scène d’intro, 4 scénettes et une scène finale sont identifiées. On peut distribuer les rôles en prenant soin que tout le monde trouve sa place. Certains s’investissent à fabriquer les cartons du titre, de fin et le générique. On ajoute un carton sous-titre qui traduira une phrase lancée par notre docteur italien ! On peut filer au stock de costumes et accessoires où chacun fait son marché avec plus ou moins d’entrain. Le tournage peut donc commencer avec son flot de questionnements : on fait quel cadre ? je rentre par où ? je fais quoi ? je dis quoi ? je sors par où ? est-ce qu’on me voit ? on le suit ou on fait plusieurs plans fixes ? Fouyouyou et ce temps qui file !

C’est notre première scène à tourner. Presque tout le monde donne son sentiment sans que personne n’ose imposer sa vision, aussi ce sera notre scène la plus longue à tourner. On réalise qu’on a peut-être été un soupçon ambitieux et qu’il va certainement falloir couper des scènes si on veut finir le film dans les temps. On enchaîne dans les différents décors, certains se tiennent en retrait, peut-être commencent à lâcher l’affaire… d’autres bouillonnent d’envies pour faire avancer et négocient pour des choix de plans. Notre guide tempère le tout avec toujours ce souci du timing en trouvant les mots justes. Notre dernière scène forcément importante pour clore notre histoire se fera dans le décor du restaurant. Chacun trouve sa place, comédiens, figurants, cadreur et assistants qui iront demander le silence à l’atelier d’à côté, franchement trop bruyant. Ça fait déjà 2h30 que nous sommes ensemble et on a envie de se lâcher… comme dans une classe avec des élèves un peu trop bavards ! Je me surprends dans un sourire à lancer un « allez les gars, on se reconcentre, on a un film à finir quand même ! » comme si je m’adressais à ma bande de copains ! On répète la scène plusieurs fois, on la tourne… bonne ou pas bonne, on la garde ! C’est le jeu !
Clap de fin. On filme nos cartons de fin et le générique sous nos applaudissements. On a déjà hâte de voir ce que tout ça va pouvoir donner au final !

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