Laissez les petits souvenirs…
Plus d’une semaine après la clôture du Festival, une ribambelle d’images dansent dans ma mémoire. Celles des films que j’ai vus bien sûr. En quelques jours seulement, j’ai voyagé par écran interposé dans des coins perdus de la planète (« El abrazo de la serpiente » me hante). C’est ce que j’ai préféré durant cette folle semaine. Etre dans l’attente de voir des films très différents, entourés de personnes aussi passionnées que moi. J’ai touché du doigt le fameux paradoxe du Festival. On voit des films souvent très durs sur l’état de nos sociétés déglinguées et dès qu’on sort de la salle, on ressent l’opulence, le bling-bling, les voitures de luxe, les palaces, les soirées privées avec open bar. Même si ce n’est que de l’apparence (la plupart des festivaliers ne logent pas en palace), c’est assez perturbant !
Le moment le plus agréable de la journée, c’est le matin tôt avec une jolie lumière sur la baie de Cannes. Un semblant de quiétude inonde la Croisette pour une courte durée. Durant la journée, la foule envahira le bord de mer, les badauds en quête de stars, les badgés en quête de films. J’ai profité de pauses entre deux séances pour m’assoir sur une chaise bleue, voir et écouter ce qu’il se passait autour de moi. J’ai vu un drôle d’individu avec des fers sous ses semelles, portant une longue queue de cheval, coursant des filles en hennissant, seulement vêtu d’un string ! J’ai vu une fille se recoiffer pour que son ami la prenne en photo devant la mer, et exigeant de voir le résultat.
Elle lui a fait refaire une dizaine de fois le cliché reprenant la même pose glamour. J’imagine ce qu’il se passe dans la tête de ce garçon qui lui tend le smartphone, l’air désabusé. Je ne peux m’empêcher de trouver toutes ces situations cinématographiques. Un groupe de djeun’s, un peu bruyant, à côté de moi. L’un se lève « allez viens j’crois qu’y’a des stars là-bas », « arrête, j’bouge pas, ça s’peut c’est des stars de merde ! ». Charming ! Une femme sur ma droite, au téléphone, « ne t’inquiète pas ici les hommes regardent surtout les jeunes filles sur leurs très haut talons ». Pas faux !
J’ai pas mal passé de temps, assise, dans les odeurs de friture des restaurants de plage, à attendre des amis qui n’ont pas le même badge. Du coup, pour être synchros à des projos, c’est compliqué. Et avec cette météo plus que favorable, ça l’est encore plus… pour lire des sms en plein soleil !
Plus on avance dans la journée, plus la Croisette est prise d’assaut avec comme point d’orgue la montée des marches de 19h qui coïncide avec la diffusion en direct du Grand journal de Canal qui attire la foule jusqu’au Martinez (loin quoi !). Les barrières sont installées pour parquer passants et invités sur les trottoirs. A partir d’une certaine heure, il est impossible de traverser la Croisette et j’apprendrais vite que selon l’itinéraire à accomplir ça peut rapidement virer au parcours du combattant et je n’ose imaginer l’enfer sur des talons. Les files d’attente qui serpentent aux abords des marches se remplissent. Devant la sortie principale du palais, ça rivalise de créativité pour obtenir des invitations. Chacun y va de sa petite pancarte, du simple « invitation please » à des tournures plus recherchées parfois liées au titre du « film nommé désir ». Tous ces glaneurs d’invit’ sont comme il se doit en tenue de soirée. Plusieurs fois, j’ai vu cet homme habillé en femme avec robe et voilette. Il a, à chaque fois, trouvé quelqu’un pour l’inviter et qui en retour espère être, avec lui/elle, pris en photo sur le red carpet. L’audace paye donc !
C’est un joyeux bordel mais très bon enfant. Il est interdit de vendre des places et les personnes qui ont des invits pourraient être pénalisées ensuite s’ils ne les utilisaient pas. Chacun a donc besoin de l’autre. C’est par ce biais (et au sourire de Sophie!) que nous avons pu assister à la projection de « The assassin » à 22h. Quelle course ! Le temps de faire le tour interminable imposé par les barrières et les policiers, nous sommes arrivées dans les derniers. Stoppées par le service d’ordre, nous avons assisté à la montée des marches de l’équipe avec la fameuse musique (de l’angoisse !). Juste après, la musique s’arrête, les photographes rangent leur matériel et on nous fait signe qu’on peut finalement monter les marches. Non pas au milieu du tapis mais sur les côtés et rapido SVP ! J’ai adoré cette montée des marches, j’ai eu l’impression de la voler ! Derniers arrivés, bien mieux placés… ça, je sais. Nous voilà donc assises à l’orchestre, à nous prendre les images sublimes du film de Hou Hsiao-Hsien en pleine face, d’exceptionnelles compositions de tableaux qui malgré leur beauté n’arriveront pas me tenir éveillée durant toute la séance. Les fauteuils tout neufs du grand auditorium sont-ils trop confortables ou le propos du film est un peu trop alambiqué pour cette heure tardive ? Both !
Bravo ! Des billets comme ça j’en veux tous les jours !!! On s’y croit et on s’y voit à Cannes ! Entre rêve et (dure) réalité…
Il faut prendre ça comme un jeu. C’est plus difficile pour ceux qui sont là pour le travail. Ils voient des films, écrivent, voient, écrivent, revoient parce qu’ils ont dormi… et enchaînent ce rythme fou pendant 12 jours. En plus quand on sait ce que c’est, on dit « chapeau » ! 😉
super ambiance bravo
Merci ! Bientôt l’épisode 3 !
Le texte est toujours nickel et les photos bien léchées! On attend la suite …
Vraiment marrant de te lire et de penser que nous nous sommes forcément croisés. Voilà le résumé de mes 10 jours cannois : http://www.christoblog.net/2015/05/journal-de-cannes-2015.html
Tu parles bien des films… (même quand tu les détestes…). On a qq points communs dans les coups de coeur. Du coup, je vais devoir rattraper « Mustang » pour lequel j’ai attendu longtemps à Cannes sans voir le film !!